Cette période est le commencement d’une ère qui oblige à s’adapter. Elle pousse l’humain à créer, à chercher en lui des ressources parce qu’il est confronté à une situation sollicitante, déstabilisante. Ainsi, il est particulièrement touché lorsqu’il ne peut accompagner un proche en fin de vie.
Marie de Hennezel, psychologue engagée dans les problématiques de fin de vie, décrit les conséquences du premier confinement dans son livre intitulé L’adieu interdit où elle dit : « La peur a eu raison de l’humain. Chacun est condamné à mourir seul, sans sa famille, sans un dernier adieu ». Elle reprend les paroles de Boris Cyrulink « On n’a pas le droit d’être heureux quand on a laissé nos parents mourir tout seuls, on s’abîme nous-mêmes, on se punit ». C’est dire les conséquences désastreuses de ces « rituels » non réalisés si importants dans notre culture.
Nombreuses sont les personnes concernées ne pouvant assister leurs proches et se trouvant démunies et désemparées parce qu’elles ne peuvent être présentes. Avec les moyens technologiques, nous pouvons témoigner de notre présence autrement que de manière physique.
Une amie me fait part de l’état de santé de son frère qui se fragilise rapidement. Fatigué, il n’est plus en capacité de lire, seulement d’entendre. Elle souhaite s’enregistrer mais se sent bloquée dans cette démarche. Je lui suggère d’écrire une lettre au préalable. Prendre le temps de déposer ses mots en conscience, ce qu’elle ressent d’essentiel à lui partager.
Et cette lettre peut s’écrire même si les âmes se sont déjà envolées pour leur dernier voyage. Considérer cet acte comme un rituel, un moyen d’exprimer les non-dits, de verbaliser ce qui est resté silencieux… Une fois terminée, cette lettre peut être brûlée et les cendres mises au pied d’un végétal existant ou plantées à cette occasion ou remises à l’eau… Libre à chacun de finaliser ce « rituel ».
Une inspiration me vient : « Lever l’ancre des maux à l’encre des mots »
Déverser sur les pages vierges de son carnet
l’intimité de ses états les plus secrets.
Mettre en ligne ce qui à l’intérieur se trame,
fluctuations de joies, peines, sourires et larmes.
Retranscription à la lueur de la flamme,
un voyage raconté à la plume de son âme,
des versets écrits sur des feuilles blanches
dans le silence d’un cœur qui s’épanche.
Une correspondance intime
des souffrances plongeant dans les abîmes,
alors déposer pour lever l’ancre des maux
écrits à l’encre de ses mots.
Et je me dis : Faut-il attendre l’inéluctable pour dire à nos proches combien ils comptent pour nous ?
Laurence Pellan
Accompagnatrice psycho-spirituelle